FOCUS – Portrait de chercheur : Mischa DEKKER
Cette semaine, focus sur Mischa DEKKER, doctorant l'EHESS, financé pour un contrat doctoral par HESAM Université et son programme Paris Nouveaux Mondes.
Mischa DEKKER, qui êtes-vous ?
Je suis en doctorat à l’EHESS, au sein du laboratoire IMM-LIER, où je travaille sous la direction de Cyril Lemieux sur le sujet : Féminisme et sécurité. Le problème public « harcèlement de rue », transformations dans l’expérience quotidienne des interactions urbaines. Je suis titulaire depuis 2014 d’un contrat doctoral Paris Nouveau Mondes HESAM Université, et ce pour 3 ans.
Quel est votre projet de recherche ?
Ma thèse porte sur la constitution du « harcèlement de rue » comme problème public. De manière comparable aux mouvements #Occupy, des groupes de militants associés aux collectifs d’origine américaine comme Hollaback! et Stop Street Harassment se sont formés au cours des dernières années dans plusieurs villes de plus de trente pays. Ces militants visent à sensibiliser le public par des actions médiatiques, mais cherchent aussi à attribuer des responsabilités afin de combattre ce qu’ils affirment être une violence quotidienne faite aux femmes. Par ailleurs, on constate que d’autres acteurs s’emparent de cette question comme les gouvernements, des acteurs juridiques, des entreprises commerciales (de communication et d’autres qui accueillent des publics) ou encore des opérateurs de transport public. J’étudie le devenir problème public du « harcèlement de rue » et comment ce terme s’impose actuellement comme un cadre de perception de certaines interactions quotidiennes dans l’espace public urbain.
Je réalise alors un travail comparatif entre la France et les Pays-Bas, deux pays où ce problème se constitue très différemment. D’un côté, je compare la manière dont ce problème public se construit dans ces deux pays et, d’un autre côté, j’analyse l’expérience quotidienne des néerlandais et des français avec ce type d’interaction dans les espaces publics.
Bien que la campagne contre le harcèlement de rue apparaisse comme transnationale au premier abord, les acteurs se trouvent confrontés à des tensions qui surgissent de la réappropriation locale de ces répertoires d’action collective constitués dans des espaces de discussion et de lutte transnationaux. En effet, on observe de fortes différences entre les dispositifs gouvernementaux et les cadres juridiques qui sont mis en place au niveau national.
Par ailleurs, il existe également des divergences sur ce qui constitue un comportement acceptable ou inacceptable.
Dans mon travail, je me réfère à la littérature sur les mobilisations collectives, la sociologie pragmatique, la tradition eliasienne sur les processus de civilisation et la sociologie du genre.
A quel stade de développement en êtes-vous ?
Actuellement, je commence ma deuxième année de doctorat. Une première partie de mon terrain comprend une ethnographie et des entretiens avec des militants qui se mobilisent contre le harcèlement de rue, des pouvoirs publics, des acteurs juridiques et des entreprises. L’année dernière, j’ai réalisé une grande partie de cette première phase de mon terrain, à la fois aux Pays-Bas et en France. J’essaie de réaliser ces deux terrains simultanément. Cela permet de suivre les différentes phases de l’émergence de ce problème public dans les deux pays, à un moment où de nouveaux dispositifs de l’action publique sont en train de se mettre en place. Une deuxième partie de terrain que je veux entamer cette année concerne les expériences quotidiennes des personnes confrontées à ce type d’interaction, la manière dont les passants réagissent quand ils sont témoins d’une scène qui pourrait être perçue comme un harcèlement, comment elles adaptent leur comportement, à quelle intervention elles s’attendraient de la part des autorités ou des autres passants.
Que vous a apporté votre collaboration avec HESAM Université ?
J’ai pu bénéficier d’un contrat doctorat de trois ans financé par HESAM. Je me suis tourné vers HESAM en tant qu’étudiant ayant réalisé ses études précédentes en dehors de la France. Je souhaitais alors pouvoir construire un projet de doctorat orienté vers la comparaison entre plusieurs pays et me référer à des traditions sociologiques française, américaine et néerlandaise. Pendant l’année j’ai pu assister à plusieurs événements organisés par HESAM Université, le Centre Michel Serres et naturellement l’EHESS. À côté des séminaires et ateliers sur des questions spécifiques et proches de mon sujet de doctorat, ces événements m’ont aidé à penser le positionnement de mon travail dans la recherche française plus généralement.
Vos ambitions suite à ce projet ?
Au sortir de mon doctorat, ayant consolidé mes compétences d’enquêteur de terrain ainsi que mes connaissances dans les domaines de la sociologie pragmatique, les études sur les mobilisations collectives et la sociologie du genre, je projette d’effectuer des recherches postdoctorales en Europe ou aux États-Unis. Particulièrement, j’espère contribuer aux développements des échanges entre la sociologie en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis.